jeudi 12 septembre 2013

BARRIERE POKER : Sauts d’obstacle et chute - Part II

Dernier axe de cette stratégie, et non des moindres, Barrière Poker a misé sur une offre d’envergure. En Cash Game, le nombre appelle le nombre. Alors, pour arracher les regs les plus actifs aux systèmes de fidélité adverses mieux-disant, les offres personnalisées proposent du rakeback de 50%. La grille de tournois est pléthorique et évolue constamment sur ces trois dernières années. La richesse et les garanties mettent quasiment la room sur un pied d’égalité avec ses deux cibles prioritaires. Fin 2012, Les prizepools de la gamme ‘Classics’ sont dopés, le Sunday 100K au buyin de cent euros apparaît sur un format mensuel, accompagné des Speed For Cash portant la promesse de 10.000€ à se partager tous les soirs. Mais la room se heurte à deux écueils d’envergure : Le marché est déjà bien établi et recruter des clients chez les concurrents se révèlent plus compliqué que proposer une offre dithyrambique et dépenser des fortunes en campagnes publicitaires ou opérations sur les communautés. Ensuite, l'appui des gros partenaires est très limité. Si Pokerstrategy est facile à séduire en raison de la réticence des deux leaders du marché à entrer dans son mode de fonctionnement (points de fidélité, bonus cash à l’ouverture), c’est encore et toujours Clubpoker qui reçoit la majorité des budgets de communication communautaires, comme chez Pokerstars et Winamax. Cela a pour résultat de multiplier la fréquentation de Barrière Poker par 2,5 au dernier trimestre 2012, mais elle ne dépassera jamais les 400 joueurs, soit la cinquième liquidité du marché seulement (cinq fsois moins importante que les deux leaders). Tant d’énergie pour un résultat honorable, soit, mais tellement chèrement payé !

Outre la marge inexistante sur des joueurs disposant de 50% de rakeback, c’est du côté de la grille de tournois que l’échec est malheureusement le plus visible. L’argent injecté dans les garanties de tournois ne pouvait être rentabilisé sans un afflux massif de joueurs. Ils ne feront que le bonheur des quelques regs assez malins pour multiroomer. Les équipes marketing ne sauront jamais optimiser ces budgets marketing pour recruter des joueurs récréatifs et les habitués des autres rooms. Envoyer des communiqués de presse en format pdf aux forums partenaires, en espérant qu’ils les relaient au milieu de toutes les autres offres du marché, n'obtient aucun résultat.

- Le Sunday 100K attire 1332 joueurs pour sa première édition mais les trois semaines précédentes voient des satellites garantissant vingt entrées plusieurs fois par jour afficher des overlays de 50% à 70%. Par la suite, le passage des qualifiers principaux à dix tickets garantis puis à cinq à partir de mars laisseront la fréquentation du tournoi exsangue : en seulement quatre éditions, il perdra la bagatelle de 500 joueurs, soit 40% du field, pour un overlay lors de la dernière édition de 25%.

- A la même période, la fréquence du Highroller est accélérée. Avec 20K€ puis 25K€ de dotation , Barrière Poker joue dans la cour des grands. Neuf mois plus tard, le dernier HR n’en proposait plus que 10.000. Entre temps,  les tournois n’ont pas été rentables 75% du temps et ont coûté 50K€ en moins d’un an sans attirer le moindre joueur supplémentaire comme le montre la stabilité des fields, même avec la saisonnalité.

- Le duo des Speed For Cash (25€ et 15€ de buyin) se révèlent des puits sans fond. L’Extreme (5K€Garantis) tournera près de deux mois  à plus de 31% d’overlay moyen avant de voir son prizepool lentement et inexorablement baisser. Les six premiers mois de son existence, la garantie diminuera de 50%, pour à peine 14% des events atteignant la couverture. Le Speed For Cash mettra 3.5 mois à voir sa garantie prendre la même direction. Avec 30% d’overlay, et malgré un changement d’horaire bienvenu en février, Barrière Poker perdra tous les soirs de cette période en moyenne 3000€ ! Pire : il faudra 250 jours à l’équipe marketing pour atteindre 2000€ de garantis début août. 250 jours durant lesquels l’opérateur dilapidera  413.000€, hors overlay sur les satellites ! Un manque de réactivité criminel …

L’impression générale qui ressort, hormis la volonté clairement affichée de jouer dans la cour des grands, est celle d’une room aux moyens financiers sans limites et surtout sans plan. Dernier exemple avec la promotion ‘Chip it'Lancée le 17 Octobre 2012, l’opération proposait 100.000€ au premier joueur qui remporterait les cinq tournois majeurs de la room. Comble de malchance, il ne faudra que six mois à BarAKmerguez pour  effectuer la moisson de jetons et annihiler tout espoir de rentabilité.

Comme il fallait s’y attendre, les actionnaires ont fini par siffler la fin de la récréation. Tout a commencé début juin par la dénonciation de la quasi-totalité des contrats d’affiliation. Officieusement, « la ligne stratégiques est en attente de clarification par les actionnaires au regard d’un marché en baisse structurelle. » Tout aussi officieusement, il s’agit de réduire les coûts, et les premiers à en pâtir sont ceux qui ont accompagné le développement de la room en lui apportant des clients. Ce sont ensuite les joueurs qui sont impactés. La fréquentation déjà limitée diminue comme peau de chagrin, les affiliés remerciés ne s’étant pas fait prier pour inciter leurs joueurs à transférer leur jeu sur d’autres rooms plus rentables. La baisse généralisée des prizepools, annoncée pour cause de fréquentation estivale en berne, se transforme en véritable saignée. La plupart des tournois phares disparaissent (Classics, Highroller, Speed For Cash de fin de semaine), certains n’affichent plus de garanties (le Classic 100€ s’est ainsi transformée en tournoi HU à plusieurs reprises). Le weekend dernier, c’est au tour du Menu de passer à la trappe. Le tout dans un silence assourdissant sur les forums  où le service clientèle était tellement présent jusqu’à peu.

Tous ces événements n’ont qu’un but : rendre la mariée la plus belle possible pour permettre à Barrière Poker de se retirer du jeu, tout en allant au bout du contrat qui lie LB Poker et le Groupe Caesars sur les WSOP Europe. Pour les plus sceptiques concernant ce scénario, il suffisait de lire Les Echos pour avoir l’information clairement et officiellement exposée par La Française des Jeux elle-même.
La Française des Jeux et Groupe Barrière admettent […] réfléchir au devenir de leur société commune, LB Poker. Si « aucune décision n'est prise, toutes les options sont à l'étude », indiquent les deux partenaires. « La FDJ restera présente dans le poker », précise toutefois l'opérateur public. A entendre ces déclarations, l'arrivée d'un autre partenaire serait donc bienvenue, sachant que l'activité de LB Poker est « au-dessous des objectifs ».


Maigre consolation pour les employés du groupe, c’est la première fois depuis la mise en place du marché français que la chute d’un opérateur n’est pas sujette à des torrents de sarcasmes de la part des joueurs  bien au contraire. Les commentaires positifs, les regrets devant cette situation qui s’enlise tous les jours un peu plus fleurissent. La fin de Barrière Poker, c’est aussi un peu de concurrence qui s’éteint, la perte du peu de poids des joueurs sur le marché. A eux de se tourner enfin vers les solutions et organismes qui peuvent réellement défendre leurs intérêts, à l’inverse de communautés qui ont oublié d’intervenir et de les aider dans ces deux mois de mutisme de l’opérateur qui habillait pourtant Clubpoker début septembre et continuait à reverser ses commissions à Pokerstrategy. Mutisme peut-être, mais mutisme ciblé semble-t-il … 

soxav

BARRIERE POKER : Sauts d’obstacle et chute - Part I


Décidément, les casinotiers sont récemment passé maître dans l’art de l’incapacité de faire tourner un business de jeux en ligne. Dans cette course du poker online, le marché a tout connu, de l’opérateur qui se positionne sur la grille de départ mais ne démarre jamais (Groupe Tranchant), au groupe familial qui se voit trop beau pour se donner la peine de réfléchir à une stratégie de course digne de ce nom (Groupe Partouche), en passant par l’agrément de la petite écurie individuelle (poker 83, casino de Cavalaire et de Noirétable, tellement nostalgique que le site propose encore aujourd'hui la rubrique « Jouez en ligne ») ou collective (200% poker, propriété de la SFJI qui compte vingt actionnaires propriétaires d’une quarantaine de casinos). Leur point commun : la chute. Barrière Poker est le dernier groupe historique de jeux en ligne français encore en course. La chute n’est vraisemblablement plus qu’une question de jours.

Créé en mai 2010, LB Poker est né de l’association de Groupe Lucien Barrière et du Groupe Française des Jeux. Deux mois plus tard, le 26 Juillet 2010, l’ARJEL lui délivre son agrément pour les jeux en cercle, prélude obligatoire à son lancement dès le mois de septembre, avec des objectifs et des ambitions d’une banalité affligeante. « Notre objectif est [de faire partie] du trio de tête. On a l’ambition de devenir un des grands acteurs du marché », confiait Jean-Etienne Bouedec, Directeur général adjoint de l’opérateur, au JDD quelques mois plus tard. 
Pourtant, en démarrant ‘from scratch’, la room a pris un sérieux pari : développer son propre logiciel, sans historique du poker en ligne ni réputation, sans l’appui de communautés, en basant la société en France (dans le 15e arrondissement à Paris). Et pour ne mettre aucun atout de son côté, la room apparaît sur le marché trois mois après ses principaux concurrents. Les dirigeants vont plus loin que le sempiternel « faire du poker différemment » de leurs désormais défunts homologues et se donnent les moyens de leur ambition, à savoir devenir l’alternative crédible aux deux leaders, une sorte de Winastars, en empruntant les recettes qui ont fait leur succès, avec un triptyque Logiciel / Communauté / Offre.


Les débuts de l’opérateur se transforment immédiatement en cauchemar. Barrière Poker n’a pas repris le logiciel en 3D lecroupier.com, site lancé en 2009 au Royaume-Uni et qui prévoyait même à l’époque une version Smartphone pour la fin d’année ( !), mais la nouvelle version développée se révèle être une catastrophe et les joueurs se défoulent sur les communautés que la room espérait pénétrer dans des conditions plus positives. Bugs à répétition, boards à huit cartes, les mises à jour sont hebdomadaires, les critiques quotidiennes.  Il faudra quasiment dix-huit mois pour que la room trouve enfin un software digne de ce nom avec la sortie de la version V4 en mars 2012, puis de la version V5 deux mois plus tard, accompagnée de l’éphémère « My Poker Manager ».  Le soft est enfin en place et trouve ses joueurs. C’est à cette époque que Barrière apparaît également sur le tracking de pokerscout.com, se positionnant alors à hauteur de Partouche, avec un trafic moitié moindre qu’Ongame alors que le groupe annonce dans le même temps des pertes de 29.8 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 3,3M d’euros lors de l’exercice 2011-2012 (vs 14.3M€ de pertes et un CA de 0.5M€ pour 2010-2011. « Nous sommes au tout début d’un investissement sur un projet industriel. Nous allons pouvoir monter en puissance sur le plan commercial et innover dans le produit, » déclarait alors Xavier Etienne, Président de LB Poker, au journal Les Echos. Début 2013, la version Smartphone et iPad voyait le jour avec, là aussi, un certain succès d’estime de la part des utilisateurs.

Deuxième axe de conquête, l’opérateur lorgne du côté des communautés. Très présent sur les principaux forums, il se positionne également auprès de nombreux petits acteurs du marché avec une offre d’affiliation conquérante annonçant jusqu’à  40% enRevenue Share. La room trouve ainsi rapidement un écho chez les plus gros acteurs de ce marché, que l'on imagine aisément avoir négocié des deals encore plus importants: classée 3e pour Clubpoker et Poker Académie, Barrière Poker est même répertoriée en deuxième position sur Pokerstrategy. A cela s’ajoutent tous les sites de mots de passe pour freeroll, de pseudo informations et d’actualités poker qui se présentent. Des community Managers et des conseillers clientèle s’y partagent l’animation et surtout la gestion des demandes clients et autres clients. Dans le même temps, le blog Barrière est chargé de relayer les actualités de la room et de sa Team Pro. Mais n’est pas Winamax qui veut et on est loin de l’approche communautaire mise en place en six années de Wam Poker.


C’est d’ailleurs le même constat avec les ambassadeurs. Lors du lancement, les membres recrutés au sein de la Team Pro laissent perplexes. Peu connus dans le milieu poker ou du grand public, voire les deux,  le recrutement ressemble à celui du Team Winamax … quatre ans plus tôt : des anciens de téléréalité poker pour faire un peu people, des joueurs de cercle, sans oublier la référence Clubpoker (Pierre Canali), qui n’est pas sans rappeler un certain manuB. Roger Hairabedian intégrera l'équipe quelques mois plus tard. Problème, le marché est déjà dessiné, ces joueurs sont inconnus d’un grand public bien plus avide de Patrick Bruel ou Sébastien Chabal. Côté people, il faudra attendre 2012 et l’arrivée d’Estelle Denis, mais là encore l’aura de la présentatrice pour attirer les foules sur Barrière Poker reste toujours aujourd’hui à démontrer, surtout utilisée pour un maigre tournoi Bounty hebdomadaire à cinq euros avec des pigistes people qui tournent au gré des offres des rooms (Pascal Sellem, Valérie Damidot, …). Sans compter qu’au même moment la concurrence se lance dans les émissions radios ou web télé, et joue continuellement de l’image et du nombre de ses tête d’affiches : Tournois bounties à répétition, challenges autour des joueurs pros, documentaires, reportages diffusées en télévision, …


soxav