dimanche 20 octobre 2013

CLOISONNE, INEGALITE, FISCALITE (Part 1/3)


Fiscalité, prélèvement, taxes, rake, …  A chaque éternuement d’un opérateur, le discours revient inlassablement sur le devant de la scène. Sur Clubpoker, on nous avait expliqué au début de l’été les difficultés de Barrière Poker par ces « contraintes réglementaires et fiscales […] trop lourdes pour leur permettre de prospérer ». La baisse du marché et de la fréquentation ? Le prélèvement inadapté de l’état. La fermeture d’une room ? La fiscalité trop lourde. Des offres moins attractives ? Un rake insuffisant face au poids de la dîme imposée par le gouvernement. Qu’en est-il vraiment des éléments de cette fiscalité éreintante ?

Depuis l’ouverture du marché des jeux en ligne, la fiscalité du poker est régie par les articles 302bis ZI et 302 bis ZK du code général des impôts. Le taux de prélèvement est ainsi "fixé à 1.8% des sommes engagées au titre des jeux de cercle en ligne". Si 15% sont destinés aux communes sur lesquelles des établissements de jeux de hasard opèrent, les joueurs apprécieront surtout l'utilisation de quinze autres pourcents pour financer le Centre des Monuments Nationaux. S’y ajoutent 0,2% sur les sommes engagées par les joueurs, Article 137-22 du Code de la Sécurité Sociale. 
Lors d’une partie en Cash Game, ces 2% de prélèvement totaux sont limités à 1€. Un pot de 50€ ou de 200€ donnera ainsi lieu à une part de 1€ pour l’état. Si vous prenez part à un Sit and Go ou un tournoi à 10€, 0.20€ tombe dans les poches publiques. C’est peu, pourrait-on se dire, mais au regard du rake prélevé par l’opérateur, cela prend une dimension dramatique. En prenant l’exemple de ce même tournoi à 10€ (9€+1€), 0.20€ de prélèvement représente donc 20% du revenu de la room (1€ du rake).

Mais ce n’est pas tout. Comme toute entreprise, l’opérateur de jeux est également soumis à la Taxe sur la Valeur Ajoutée. Une exonération de TVA pour deux ans a bien été votée en 2010, mais, comble de l’ironie, uniquement applicable au prélèvement de l’Etat, qui s'est empréssé de se la reconduire fin 2011, L. no 2011-1978 du 28 déc. 2011, art. 60-I. La loi prévoit en revanche que les opérateurs (et les intermédiaires), eux, passent par la case impôt. Tout juste déduisent-ils les bonus pour calculer cette TVA : points fidélités, bonus de dépôt ou redeposit, … D’après un des principaux opérateurs du marché, le calcul est en moyenne le suivant (toujours sur le tournoi à 10€) :

Buy in : 9€ + 1€
Prélèvement Etat : 0.20€ (2% de 10€)
Bonus joueurs en moyenne : 0.10€

TVA sur le rake hors prélèvement, hors bonus joueurs : 0.11€ (19.6% de (1€-0.20€-0.10€))

La TVA représenterait environ 11% du rake brut. Au final,  il reste un rake net de 0.59€ pour la room, soit plus de 40% de la commission initiale déjà engloutie. Mais ce n’est pas tout. En Cash Game, la règle du ‘No Flop, no Drop’, dont les joueurs ont réussi à imposer la charge aux opérateurs, est également à intégrer. Selon les opérateurs interrogés, même si les chiffres sont difficilement vérifiables, cela pourrait représenter entre 10 et 20% du rake. Et voilà comment d’un euro de rake au départ, plus d’une moitié a déjà disparu quand les acteurs du marché encaissent leur part.  


Toutes les rooms ne sont néanmoins pas logées à la même enseigne. A quelques mois de l’ouverture du marché français, iGaming faisait part du projet de déménagement de Party Poker à Malte. Si vous souhaitez visiter leurs locaux depuis cette date, il vous faudra vous rendre chez ElectraWorks (France) Limited à Hamrun, Malte. Même capital social de 100.000€, même numéro d'immatriculation auprès du Registre des Sociétés de Malte, elle est également située 2.5 km plus loin dans un charmant ancien village de pêche, Ta'Xbiex, pour opérer ACF Poker.
Profitez-en pour visiter Reel Malta Ltd, situé à peine 500 mètres plus loin et les locaux de Pokerstars, puis continuez votre pittoresque visite du poker français à Gzira où le Fawwara Building abrite Unibet, dont les équipes terrain sont pourtant, elles, bien installées à ... Issy les Moulineaux, au sud de Paris. Finissez enfin votre périple à Sliema pour saluer Betclic et Everest, dont le cœur balance entre le Tagliaferro Business Center à Malte et Gibraltar. Ce même Gibraltar qui abrite Bwin.Party Digital Entertainment plc., dont la filiale italienne  bwin European Markets Holding S.p.A. opère B.E.S. SAS, plus connue en France pour opérer le site bwin.fr.
Bien entendu, nul besoin d'aller si loin pour rencontrer ces opérateurs, ils ont tous des bureaux en France pour diriger leurs opérations françaises. Hormis Unibet, ils sont concentrés dans les beaux quartiers parisiens des 8e, 16e et 17e arrondissement.

Alors pourquoi Malte et Gibraltar  Ces deux destinations
 ont un point commun : une fiscalité très arrangeante. L’objectif est simple et complètement légal dans l'Union Européenne : échapper à la TVA sur le Produit Net des Jeux, tout en profitant d’un impôt sur les sociétés que l’on imagine aisément bien moins contraignant sous le ciel maltais. La loi du 12 Mai 2010 ne stipule pas que les opérateurs doivent être installés en France, un simple représentant sur le sol français suffisant au législateur, en raison d'une Union Européenne sans frontières. 

La diffusion des Résultats d’exploitation du secteur des jeux en ligne pour l’exercice 2012 (31 Juillet 2013)  ne laisse d'ailleurs planer aucun doute sur le ujet : si les calculs ci-dessus donnent une estimation de TVA pesant environ 11% du rake  brut, cette étude de l’Arjel dévoile néanmoins que la Taxe sur la Valeur Ajoutée perçue par les services fiscaux de l'Etat ne représente en réalité que 5.53% du Produit Brut des Jeux en 2012 pour le poker. De là à considérer que la moitié des mises sur le marché français n’y est donc pas soumise, il n’y a qu’un pas : Winamax et PMU (1er et 3e du marché) face à Pokerstars et Betclic Everest (2e et 4e)
On note d'ailleurs dans ce même rapport que les paris sportifs (8.33%) et surtout les paris hippiques (13.89%) reversent plus de TVA, ces deux segments étant historiquement tenus par les ex-monopoles d’état PMU et La Française des Jeux, qui s'acquittent évidemment de cette TVA. 
    
     source : ARJEL, Résultats d’exploitation du secteur des jeux en ligne ouvert à la concurrence - Exercice 2012

Et ce n’est pas fini. Depuis début septembre, vous n’avez pas pu échapper aux publicités qui lancent la rentrée des opérateurs, période ô combien primordiale, tout particulièrement cette année avec la fermeture de Barrière Poker. « Le poker commence ici » clame Everest Poker sur de nombreuses radios, tandis que PMU Poker s’affiche en abribus pour le lancement de son application mobile. A la télévision, Winamax reprend la recette du succès de 2010 avec l’épée en plastique et Patrick Bruel, tandis qu’un Ronaldo en pro du chip trick nous défie sur Pokerstars : « Now I am poker !». Sur des budgets qui se comptent en centaines de milliers d’euros, les rooms délocalisées ne sont pas concernées par la TVA : un avantage concurrentiel indéniable. L’Europe réfléchit d’ailleurs à une modification de la TVA qui serait indexée sur le pays du consommateur, et non plus celui du fournisseur. Reste à savoir dans combien d’années …
D'ici là Winamax et PMU Poker dépensent 19.6% de plus que leurs concurrents pour les mêmes communications. Autant d'argent qui ne sont pas réinvestis pour les joueurs.

soxav

A suivre : 
Part 2 : FISCALITE, CAFE SERRE, VIABILITE Conséquences chiffrées de cette fiscalité, implication directe sur les joueurs et un Expresso pour sauver le winrate ... des regs !

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