dimanche 15 novembre 2015

COLLOQUE ARJEL 2015 : Alexandre ROOS, DG Winamax

Le 28 Octobre 2015, L'Autorité de Régulation des Jeux En Ligne (ARJEL) organisait un colloque : "2010-2015-2020 : La régulation des jeux d'argent en France". Parmi les intervenants de la dernière table ronde sur les perspectives, Alexandre Roos, Président et fondateur de Winamax. Vous n'étiez pas disponible ? Séance de rattrapage avec la retranscription complète de son intervention ce jour-là, en réponse à la question :
"Pour un opérateur français du marché agréé des jeux en ligne, quels sont les principaux enjeux économiques à venir et quelles seraient l’évolution nécessaire à la régulation en France ?"



Alexandre Roos - "Même question, interlocuteur différent. Bonjour. Winamax, nous sommes un pure player d’internet. On fait partie de ces trente-cinq nouveaux opérateurs qui sont entrés sur le marché depuis 2010. Trente-cinq, … Je crois qu’il en reste quinze aujourd’hui, dix-sept avec la Française des Jeux et le PMU. Donc on fait partie de ces petits nouveaux, on est une boîte franco-française, basée à Paris. On est à 100m d’ici, nous sommes vraiment voisins. On a opéré depuis 2010 dans le poker en ligne uniquement et assez récemment, depuis un an et demi maintenant, nous faisons des  paris sportifs également. Je connais assez bien le monde du poker en ligne, et je suis un peu, on va dire, débutant dans le monde du pari sportif, mais on essaye d’apprendre. 

Mon regard sur la loi et  le contexte français, ça va sembler bizarre pour beaucoup de gens, mais c’est très positif.  J’ai une impression que le travail qui a été fait pour cette régulation du marché des jeux en ligne a été bien fait. Alors, pas parfaitement, mais le moment était bien fait. Les principaux enjeux, tout ce qui est protection du joueur, a été plutôt bien réussi, on en parlait depuis ce matin, même si sur ce sujet-là, il était à peu près naturel de s’exprimer. En tout cas, on n’a pas vu d’explosion des pathologies liées aux jeux d’argent. Je pense que ça vient à la fois du cadre législatif mais aussi du sérieux des différents opérateurs qui travaillent sur ce marché. On parlait ce matin de l’éthique et du sérieux des gens du Nord :  moi, je suis Alsacien, je ne sais pas si je suis aussi respectable que les gens du Nord, mais on essaie de travailler dans notre métier et de protéger autant que faire se peut les consommateurs, et comme disaient les gens de la Française des Jeux, plutôt de viser un public assez large qui va jouer de manière plus communautaire et plus récréative aux jeux, plutôt que de "targeter" tel ou tel gros joueur à qui on va essayer de tout prendre. Au poker, il faut bien voir le truc : le joueur de poker ne joue pas contre le site, il joue contre d’autres joueurs. Cela n’a donc surtout pas d’intérêt de lui faire perdre sa cave, que le joueur perde trop vite … C’est également éthique par nature sauf erreur. Donc je reviens à cette loi, qui sur le point de vue de la protection du joueur a été à mon sens bien … Le travail a été bien fait.

Du point de vue intégrité du jeu, je pense qu’il n’y a pas d’équivalent dans le monde, et là-dessus le boulot des équipes de l’Arjel en termes de contrôle des logiciels, de la sécurité etc. est exemplaire. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de problème. Les gens du Club des Clubs intervenaient sur les problèmes de collusion, etc. On ne nie pas les problèmes qu’il peut y avoir, mais en tout cas, tout le monde travaille dans le même sens qui est pour préserver cette intégrité du jeu et faire en sorte que le joueur joue dans un cadre le plus strict, le plus réglo possible. D’autre questions qui ont leur importance, c’est que les avoirs et la question de la sécurisation des avoirs des joueurs, on a eu quelques couacs l’an passé, qui ont permis d’apprendre aussi, la fiducie etc … qui font qu’un joueur à priori ne peut plus se retrouver sans son argent demain dans le marché français. Donc de ce point de vue-là, très positif

D’un point de vue lutte contre l’offre illégale, me concernant, j’ai l’impression qu’il y a très très peu d’offre illégale aujourd’hui pour les secteurs qui ont été vraiment régulés. C’est-à-dire, dans le cadre du poker à proprement parler, il n’y a quasiment plus aucun joueur selon moi qui joue sur des sites illégaux. Ceci est un peu à nuancer : il y a eu pas mal de gros joueurs qui sont allés déménager à l’étranger pour jouer de l’étranger, mais là on parle de raisons fiscales, ce n’est pas une question d’attractivité de l’offre, mais des raisons purement fiscales. C’est-à-dire que c’est plus facile pour un joueur qui gagne sa vie en jouant au poker d’aller habiter à Londres et de ne rien payer sur ses revenus de poker que de travailler en France et d’être assimilé à un travailleur, à un régime BNC et payer 50% de son revenu. Donc beaucoup de gros joueurs sont partis à l’étranger mais, je vous le dis, pas pour des raisons d’attractivité de l’offre, uniquement pour des raisons fiscales. Et aujourd’hui peut-être, il reste quelques centaines de joueurs qui peuvent aller jouer sur des sites illégaux, volontairement, en passant par des VPN, mais ça reste quelques centaines de joueurs. Donc je pense que l’offre illégale a été bien circonscrite.

Idem pour les paris sportifs. Par contre, et j’y reviendrais un peu plus tard, il y a énormément d’autres secteurs du jeu qui se sont développés, qui ne sont pas régulés en France. Jeux auxquels le joueur français ne peut pas avoir accès, et donc ce joueur est obligé de se retourner vers l’offre illégale pour y accéder. Je pense que c’est un des points importants, c’est que quand on régule, même s’il y a une taxation qui est forte et si les joueurs peuvent moins gagner, le joueur préfère être dans ce cadre régulé. Il va joueur de bon cœur sur le site français. Par contre si on oublie de réguler la moitié du marché, et c’est un peu ce qui se passe aujourd’hui où on a de plus en plus de jeux qui intéressent les joueurs et qui sont hors de ce cadre régulé, là l’offre illégale se développe, bien évidemment.
Juste rappeler, Gaëtan Gorce ce matin rappelait un de ses souhaits cher au début de cette loi était de protéger la Française des Jeux et PMU, je crois qu’ils ont été bien protégés, puisque aujourd’hui le marché du jeu en ligne, les quinze opérateurs hors FdJ/PMU doivent faire un PBJ de l’ordre de 400 à 500 millions d’euros si je ne m’abuse. Donc tous ensemble, on fait 400 à 500 millions d’euros et ils font chacun dix fois plus. Donc ils ont été bien protégés comme je vous disais par cette loi, personne n’a trop marché sur leurs plates-bandes. Donc tout le monde est content de ce point de vue-là. Ça, c’est un peu pour l’analyse aujourd’hui : globalement plutôt satisfait pour toutes les raisons que je viens d’exprimer.


Mais par contre, il y a évidemment des points que l’on pourrait améliorer selon moi, que je vais essayer de passer en revue.
Premier point qui est le premier détail qui fait peur à tout le monde, qui est l’assiette de taxation. Vous le savez, aujourd’hui en France,  on taxe sur les mises. Tout le monde, les opérateurs, les joueurs réclament une taxation sur le PBJ. Ça fait peur au gouvernement parce qu’on se dit « Si on change l’assiette, est-ce qu’on gagnera la même chose ? ». C’est sûr que ce n’est pas évident. Il faut vraiment faire le calcul. Le point de vue qui est le mien, c’est que cette taxation sur les mises qui a lieu aujourd’hui en France n’est pas bonne parce qu’elle nous empêche d’offrir aux joueurs un certain nombre de jeux qu’ils aiment bien pratiquer. Je parle au poker, tout ce qui est web jeux à un petit nombre de joueurs, de Heads Up quand on joue l’un contre l’autre. Ce type de jeu, cela a été évoqué ce matin, la taxation sur les mises fait qu’il est impossible de jouer parce que les joueurs perdent trop vite leur argent.

De même en pari sportif, il y a toute une panoplie de jeux qui pourraient  être proposés, notamment en pari mutuel sur des petits pôles de joueurs, qu’on ne peut pas proposer aujourd’hui parce qu’on taxe trop le joueur et qu’il n'aurait pas un retour suffisamment intéressant. Alors tout le monde évoque toujours l’argument, enfin ceux qui défendent ces problèmes de taxation évoquent toujours des arguments « oui, il ne faut pas rétrocéder trop aux joueurs », c’est d’ailleurs très lié au problème du TRJ, Taux de Retour aux Joueurs, qui en France est plafonné - donc là on ne parle plus de poker, on parle de paris sportifs – à 85%. On dit « On fait ça pour lutter contre l’addiction, on fait ça pour lutter contre le blanchiment d’argent ». C’est bidon tout ça : On fait ça pour préserver les recettes de gens qui ont envie de préserver leurs recettes. Mais fondamentalement, on ne va pas lutter plus contre l’addiction, le blanchiment d’argent parce qu’on va rétrocéder 90% aux joueurs. Quand vous regardez les machines à sous dans les casinos, c’est tout l’inverse. Là, on dit aux casinotiers, il faut rendre suffisamment d’argent aux joueurs, il ne faut pas trop leur prendre. Et là, le jeu en ligne, c’est l’inverse : il ne faut pas trop leur rendre. Alors qu’il y a les mêmes problèmes de santé publique, d’addiction. Donc il y a des faux arguments qui sont mis en exergue, et qui, à mon sens, ne sont pas les bons.

Mais, outre ces points que l’on pourrait améliorer dans la loi, qui est ce changement d’assiette, qui est d’éventuellement supprimer cette notion de taux de retour aux joueurs maximal, il y a un point important qui est le point de l’ouverture des liquidités, qui a été évoqué plusieurs fois et c’est vrai que cela va faire plaisir à beaucoup de joueurs de pouvoir jouer dans un field plus étendu. Il y a des faux sentiments là-dedans : beaucoup de joueurs qui pensent que, dans le débat qui a lieu aujourd’hui entre l’Italie, l’Espagne et la France, trois pays qui sont ici bien représentés, tout le monde a l’impression que les autres pays sont plus faibles : le Français a l’impression que les Italiens et les Espagnols sont mauvais au poker, l’italien a la même impression, etc. … C’est formidable, si on les met tous ensemble,  ça va effectivement donner un gros coup de jeune au poker. Parce que tout le monde va se dire « ah, j’ai enfin du poisson qui arrive, je vais pouvoir me régaler ». Je pense que, passé les quelques mois d’excitation initiale, on se rendra compte que les Italiens sont tout aussi forts que les Français et pour peu que la législation ouvre plus tard aux pays Nordiques, on se dira «Oh là là, y a les Suédois qui arrivent, c’est pas bon ! ». Mais en tout cas, cela fera plaisir à tout le monde de pouvoir se mesurer à un field un peu plus dense et d’aller se battre contre d’autres pays d’Europe. Je pense que c’est une évolution bien sûr que l’on souhaite, qui est nécessaire même si elle est évidemment complexe à mettre en œuvre puisque que le monde a beaucoup d’acteurs, beaucoup de pays à mettre en coordination.

Mais je voudrais finir sur ce qui est selon moi le plus important dans un souhait d’évolution de la législation. Le plus important, c’est un truc tout bête : on aurait besoin que les choses aillent plus vite. Comment vous expliquer ça ? On est dans un domaine qui est le domaine de l’internet. On ne parle que de jeux aujourd’hui dans le sens gambling. Ce n’est pas tant cela, en tout cas du point de vue de l’opérateur. On est surtout dans le monde de l’internet qui va très très vite, une concurrence qui est phénoménale de la part d’autres jeux. Des jeux, on a cité le egaming tout à l’heure, mais moi, Winamax, mon principal concurrent, limite c’est Heartstone, ce n’est pas le PMU. C’est d’autres jeux auxquels les gens ont envie de jouer en ligne parce qu’ils sont beaucoup plus attrayants, plus riches. Des jeux qui changent tous les six mois, avec des nouveaux paquets de cartes qui arrivent, plein de nouvelles choses … Et en France dans le poker, malheureusement, les pouvoirs de l’Arjel ont certainement été trop restreints dans la loi de 2010, qui fait que rien n’a changé. On est cinq ans après, la clause de revoyure n’a pas eu lieu, personne n’a envie de se revoir. Mais en tout cas, cinq ans après rien n’a changé, pas d’un iota. Y a pas eu une variante de plus, même pas un petit peu d’Omaha machin, des variantes qui vraisemblablement ne changent rien au jeu, qui ne doperaient pas les revenus. Il n’y a rien eu de tout ça.

Pareil, la loi prévoit des jeux de cercle, elle ne prévoit pas forcément que du poker. Jeux de cercle en France, on a des conditions de belote, de tarot, on aurait bien aimé voir ces choses-là et beaucoup de joueurs sont demandeurs. Alors je ne dis pas que l’avenir vient de la belote et du tarot, mais ça ferait partie de ces choses qui feraient plaisir aux consommateurs. Aujourd’hui beaucoup de gens en ligne jouent à la belote ou au tarot mais où ? Sur des sites illégaux. Il y en a plein partout : sur Google, vous tapez « belote », y a vingt sites payants. Et cela rentrerait clairement dans le cadre de la loi de 2010. Mais comme l’Arjel n’a pas ce pouvoir aujourd’hui d’autoriser elle-même de nouveaux types de jeux, rien n’a changé. Je pense que c’est le plus préjudiciable à notre secteur, il faudrait que cela puisse changer beaucoup plus vite. D’ailleurs vous noterez que sur ce qui est des paris sportifs, les pouvoirs de l’Arjel sont beaucoup plus étendus. En gros, vous vous mettez d’accord pour vérifier que tel ou tel type de paris ou de compétition sont OK et ne présentent pas de risques et cela va assez vite. En deux ou trois mois, l’offre peut s’élargir. En poker, rien du tout. Je pense que cela serait le principal point à changer, plus la fiscalité dans les années à venir."

soxav

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