lundi 18 avril 2016

STRATEGIE OPERATEURS : Un air de déjà-vu.

C'est l'histoire d'un Procureur Général dont les lois de l'état jugent la présence de sociétés de jeu illégales. C'est l'histoire d'opérateurs refusant de se retirer sous prétexte qu'elles proposent un jeu d'adresse et non de hasard : cela vous rappelle quelque chose ?
C'est l'histoire de l'un de ces opérateurs, leader du marché, qui modifie son système de fidélité pour introduire des missions à réaliser et des statuts basés sur des Frequent Player Points (FPP).  Plus aucun doute désormais, vous avez reconnu … DraftKings, leader des Daily Fantasy Sports !  Les produits ‘Gaming’ font tout pour se différencier, mais la réalité les ramène aux mêmes trajectoires et problématiques. Poker et Fantasy League, si loin, si proches ?

A l’occasion du colloque de l’Arjel fin octobre 2015, Xavier Hürstel, PDG du PMU qualifiait les Fantasy League de "zone grise" au même titre que l’esport. Selon lui, il allait falloir "encadrer ou interdire". Au même moment, le Procureur Général de New-York, Eric Schneiderman, exigeait l’arrêt de prise de paris par DraftKings et Fanduel, les deux leaders américains de Daily Fantasy Sports. C’est désormais chose faite dans la ville. Les deux entreprises ont finalement suivi l'injonction ces dernières semaines, espérant rapidement des jours meilleurs avec la légalisation de ces DFS (Daily Fantasy Sports). Leurs dirigeants ont beau clamer qu’il s’agit de jeux d’adresse, le débat fait rage aux Etats-Unis, où ces dernières semaines l’Alabama, le Tennessee et le Mississipi ont indiqué leur illégalité, tandis que l’Illinois prenait du retard dans la mise en place de la loi sur le sujet. Dans de nombreux états, les discussions législatives se heurtent également aux intérêts économiques des tribus, très actives dans les jeux d’argent : Californie, Oklahoma, Arizona ou Floride par exemple.
L’analogie avec le poker est évidemment flagrante, et elle a pris une tournure encore plus précise début avril. Matt Kalish, Directeur Général de DraftKings, vient d’annoncer une refonte totale du programme de fidélité. Arguant que moins de 10% de clients utilisait le précédent système de Frequent Player Points (FPP), l’opérateur a décidé de se tourner vers un système basé sur des Missions rapportant des FPP, des Freerolls attribuant 150.000$ par mois et divers bonus et tickets ajoutés lors des ‘contests’. Les joueurs vont désormais prétendre à quatre statuts différents (ouvrant accès à des freerolls jusqu’à 100.000$ pour le plus haut) : Bronze, Silver, Gold et Platinum. L’objectif affiché par M. Kalish est de transférer les récompenses de quelques joueurs à gros volume vers une cible plus large et d’attirer de nouveaux joueurs, plus récréatifs :

"Notre but est d'avoir 80% à 90% de nos joueurs prenant part à notre programme de récompenses." - Matt Kalish, DG DraftKings

Tout comme pour Pokerstars quelques semaines auparavant, les réactions sur les forums sont négatives, les raisons invoqes par l'opérateur ne convaincant pas les joueurs réguliers. Il faut dire que l'objectif de toucher le plus grand nombre s'accompagne d'un changement essentiel : désormais chaque dollar investi en droits d’entrée ne rapporte plus désormais qu’un FPP contre trois auparavant. Une paille pour les regs

Les commentaires sur les forums ne se sont pas faits attendre, à l’image des réactions ces derniers mois des joueurs de Pokerstars face aux changements mis en place par la room. Les opérateurs de Daily Fantasy League emboîtent donc le pas à un poker qu’ils dénigrent pourtant aussi souvent qu’ils le peuvent. En février, le Directeur Général de FanDuel (deuxième opérateur américain) expliquait que le poker n’était pas un jeu d’adresse à l’inverse de DFS plus "divertissement que jeu". Les mêmes arguments employés des années auparavant par les rooms de poker en comparaison des autres jeux et paris. Savoureux, non ?
Il ne manque qu'un exemple de triche pour que le parallèle entre DFS et poker soit parfait : fin 2015, un employé de Draftkings aurait utilisé des données internes sur les paris d’autres clients pour les utiliser sur le concurrent FanDuel. Un avantage qui au poker serait similaire à voir les cartes de son adversaire, selon Fortune.com. Les deux entreprises se retrouvent même ciblées par une class action, comme Amaya et son PDG David Baazov depuis quelques semaines, même si les causes de la triche sont différentes.

Plusieurs états américains ont légiféré suite à cette affaire avec un résultat qui ne s'est pas fait attendre : alors que FanDuel et Draftkings affichaient des progressions record il y a encore un an, il leur a fallu trouver des économies en urgence pour compenser les fermetures régionales. Le leader a notamment emboîté le pas à Pokerstars sur l'affiliation. Mi-février, l'opérateur envoyait un avenant à ses partenaires pour leur indiquer de nouvelles règles bien moins avantageuses en place ... dix jours plus tard. Parmi elles, on note la limitation des commissions à deux ans pour chaque nouveau client. Copie conforme de la mesure phare de Pokerstars en matière d'affiliation fin juin 2015 en France, et un an plus tôt à l'international.
La réorientation massive que subit le poker actuellement n’est donc pas seulement une lubie des acteurs du marché, mais bien un phénomène propre à l’ensemble des jeux en ligne. Le poker n’est plus qu'un simple produit d'un marché des jeux en ligne qui doit préserver un écosystème équilibré et se diversifier. Le poker ne doit plus être appréhendé comme un environnement unique.

soxav

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