lundi 11 décembre 2017

PETITS ARRANGEMENTS ENTRE AMIS

Les Main Events sont des moments spéciaux pour les opérateurs. Outre le chiffre d’affaires qu’ils génèrent, ils sont avant tout une vitrine et un tournoi particulier pour les joueurs, faisant rêver réguliers et récréatifs à un gain hors norme. Pour limiter le risque d’overlay, les rooms multiplient les promotions et incluent de plus en plus tickets pour ces évènements dans les prizepools des tournois réguliers de leurs grilles. Une technique probablement nécessaire, mais avec certaines dérives qui peuvent rendre le stratagème guère équitable.


En Novembre, Pokerstars a décidé de maintenir sa promotion emblématique de fin d’année, les FCOOP. Garantie totale divisée par deux, Main Event doté de « seulement » 400.000€ en mode Full KO, Pokerstars n’a pas fait preuve d’une ambition démesurée, surtout avec une liquidité où bon nombre de joueurs réguliers étrangers ont été mis à la porte. Alors, près d’un mois avant l’Event, les premières places des Midnight et Midi Express, Night on Stars, Sixième Sens et une kyrielle d’autres sont mises à contribution : pas moins d’une dizaine de tournois réguliers intègrent de 2 à 20 tickets selon les cas.
Près de 135 tournois ont permis de distribuer plus de 650 tickets pour le Main Event des FCOOP, soit plus d’un quart du field. Mais, étonnamment, aucun joueur en provenance d’un Sunday Special (100€) ou d’un Super Tuesday (250€). Non, hormis le Night On Stars pendant une seule semaine, ce sont les joueurs de Low/Medium limites qui sont ciblés : 93% ont concerné des MTT de 5€ à 20€. Majoritairement donc des joueurs dont le Bankroll Management ne permet pas de jouer un tournoi à 250€ sans cela.

La pratique n’a rien de nouveau. Si Pokerstars l’utilise depuis des années, Winamax l’a démocratisé pour maintenir un Main Event hebdomadaire en perdition il y a quelques années. Pour atteindre les 725 joueurs nécessaires chaque semaine, tous les gains en tournois supérieurs à 2.000€ sont amputés de 150€ sous forme de ticket non échangable (limite fixée à 1.500€, relevée il y a quelques mois). Là encore, tous les tournois sont concernés, dont 62% ont des buyins de 20€ et moins*.
L’opérateur français peut compter sur environ 240 tickets potentiels chaque semaine, soit un tiers du field requis sur le Main Event, même si 10 à 15% disparaît en raison d’un deal réalisé par les joueurs.

Si cette technique offre des avantages certains aux rooms, certains ajustements ne seraient pas superflus :
- Rendre les tickets échangeables. Un ticket remporté sur Winamax ne l’est pas, à la différence de Pokerstars. Ce discours est difficilement crédible pour un opérateur dont la Team met régulièrement en avant le Bankroll Management et la gestion du jeu. Sans parler du buyin de 150€ qui n’offre aucune alternative, notamment pour des joueurs qui ne pourraient pas jouer les jours de Main Event.
- Cibler des tournois dans les limites de buyins des tournois en question, sans intégrer ceux dont les droits d’entrée sont inférieurs à 10% du ticket.
- Etablir des critères dynamiques selon les buyins, en établissant par exemple pour Winamax un ticket inclus pour tout gain supérieur à 1.000€ sur le Highroller, et à 3.000 sur l’Afterwork.


C’est bien beau de ressasser sa volonté de préservation de l’écosystème, ou d’être le chantre d’un poker communautaire et passion, encore faudrait-il mettre ses paroles en pratique à soi-même …

soxav

*Echantillon du 29/10 au 04/11

dimanche 19 novembre 2017

THE STARS NEWS : Pokerstars in Pokernews

La semaine dernière, Joss Wood, Responsable Poker chez iBus Media, a annoncé que The Stars Group, propriétaire de Pokerstars, était majoritaire dans le capital de la société. Et alors, vous dites-vous ? iBus Media compte dans son portefeuille des sites d’affiliation de casino, de Fantasy League ou de paris sportifs … et surtout Pokernews, le site référent d’informations. Que penser de ce mélange de genres ?

L’info a immédiatement été reprise et commentée par les médias poker, avec des trames d’articles étrangement proches. D’abord, le rappel « historique » avec le rappel de la création de l’entreprise par Tony G en 2002. Tous font ensuite état d’un secret de polichinelle rendu désormais public, la marque Pokerstars et ses représentants ayant été de longue date systématiquement mis en avant et privilégiés selon bon nombre d’articles. Même Bertrand ‘Elky’ Grospellier s’affiche en Home Page du site d’iBus Media.
Lee Davy reconnaît néanmoins sur calvinayre.com que le site fait désormais la part belle aux concurrents tels que 888 et Partypoker, probablement en relation avec la recrudescence d’activité de ces opérateurs.


Pokernews a de quoi attirer les convoitises. Décliné en 27 langues sur trente sites, Pokernews affiche près de huit millions et demi de pages vues tous les mois. Rien d’étonnant à ce que Jon Squires, le big boss, s’empresse de rassurer les lecteurs sur l’impartialité du media : “iBus a toujours maintenu son indépendance et va continuer dans cette direction. Pokernews continuera d'être la voix des joueurs et un promoteur du poker online. “ Avant d’ajouter que Pokerstars ne représente que 5% des revenus d’affiliation.

Le discours est assez convenu, et ne lève pas les inquiétudes inhérentes à ce mélange des genres. Sur la page d’avertissement quant au contenu publicitaire du site, Pokernews informe par exemple les visiteurs que “le classement des salles de poker peut être impacté par de nombreuses variables et ne peut être envisagé comme un classement exhaustif et officiel“. Confirmation immédiate sur cette même page, où on admire la première place de Pokerstars dans le classement des rooms. Il faut scroll tout en bas pour trouver Winamax !
Un coup d’œil à la page « Salles de poker » permet de découvrir les trois salles “très fréquentées“ du .fr : Pokerstars apparaît bien sûr en tête, suivi de … Betclic et Partypoker. Ses deux concurrents réels et directs, PMU et Winamax, sont une nouvelle fois tout en bas. Le descriptif de la room de pique en donne les raisons : 15€ offerts “avec Ronaldo“ même si c'est Daniel Negreanu en photo, et de grandes compétitions en ligne du dimanche comme … le Sunday Million. 
Et sur le .com me direz-vous ? 888 devance certes Pokerstars, mais est la seule room avec une note supérieure à 9.5 … Rien de dramatique, puisque c’est finalement le mode de fonctionnement de tous les sites avec de l'affiliation. Reconnaissons nénamoins à Pokernews une transparence qui fait souvent défaut chez bon nombre de ses confrères.


Si doutes il y a, c’est vraisemblablement plus du côté du nouvel actionnaire majoritaire du site d’informations n°1. Souvenons-nous qu’à l’occasion du rachat de Rational Group, maison-mère de Pokerstars, en juin 2014, le communiqué de presse d’Amaya (l’ancien nom de The Stars Group) annonçait alors : « les services proposés par Pokerstars et Full Tilt Poker ne seront pas affectés par la transaction ». Trois ans plus tard, …

soxav

Sources : Pokernews, calvinayre, Highstakesdb, PokerNewsDaily, PokerStrategy

dimanche 5 novembre 2017

L'ECOLE DES FANS

Henrik Tjärnström est le PDG de Kindred, entreprise à qui appartient notamment la maque Unibet. La semaine dernière, il révélait les résultats financiers du troisième trimestre 2017. « Trimestre record », « Excédent Brut d’Exploitation (EBITDA) au plus haut », et des revenus tirés du mobile en hausse de 31%. Il est content, Henrik, et on le comprend avec un chiffre d’affaires en hausse de 36% sur les trois derniers mois, l’entreprise a quasiment réalisé le chiffre d’affaires 2016 en seulement neuf mois !
Cerise sur le gâteau, Kindred a remporté l’Award de l’Expérience client aux Trophées de l’Expérience client britannique 2017, et celui d’opérateur de machines à sous lors des EGR Awards.


Kenneth Alexander est le Directeur Général de GVC Holdings, entreprise comptant dans ses marques Party Poker ou Bwin. Il y a dix jours, il commentait les résultats de l’entreprise. « La croissance pour ce troisième trimestre est la plus forte depuis le rachat de bwin.party en Février 2016. » D’une année sur l’autre, le chiffre d’affaires a progressé de 10%, dont 19% pour les produits de casino. 
Cherry on the cake, jeudi dernier à Londres, l’entreprise remporte aux EGR Awards le titre d’opérateur poker de l’année, détenu depuis trois ans par Pokerstars.


Xavier Hürstel est Président Directeur Général du PMU. Il y a deux semaines, il s’est félicité de « résultats financiers confirmant que le PMU a retrouvé le chemin de la croissance. » Avec une activité hippique en hausse de 2,7%, une activité à l’international à +14,3%, le Produit Brut des Jeux renoue avec la croissance.
Burlat sur la tarte, Le PMU vient d’être "Elu Service Client de l'Année 2018" - catégorie Jeux* pour la deuxième année consécutive


Et le poker dans tout ça ? Sa place dans ces résultats est à l’image de celle dans cette article : à la marge. Moins de 2% du chiffre de Kindred, cela relativise quelque peu le travail de fourmi de l’équipe d’Unibet. Aucune allusion dans le compte-rendu de GVC alors que Partypoker progresse tout de même de 48%. PMU voit son poker croître de 3,7% mais le chiffre plafonne à 12 millions d’euros pour une entreprise à … 1,8 milliards d’euros.
soxav

Sources : Kindred, Gambling Insider, Calvinayre, Pokernews, PMU
* Catégorie Jeux en ligne - Étude Inference Operations - Viséo CI - mai à juillet 2016

dimanche 29 octobre 2017

MOITIE PRIX, DOUBLE PROFIT : Half Price Sunday @ Pokerstars

Vous ne l’avez pas vu tant la communication est restée confidentielle : un nouveau dimanche à moitié prix s’est joué le weekend dernier. La recette est immuable avec des buyins réduits de moitié pour des garanties maintenues à l’identique. Seule petite nouveauté, la promotion s’est jouée en parallèle sur les quatre plateformes qui devraient constituer la future liquidité commune.

Avec cinq tournois concernés, les Special Zoom, Warm Up, 6-Max, Special et Highroller, cette édition a permis à Pokerstars de booster sa grille de « Sunday tournois » de plus de 250%. Elle a surtout permis de compenser le mauvais résultat de la semaine dernière (7.500€ de perte) portée par un overlay de 17% du Sunday Special (11K€). Niveau fréquentation, les tournois voient leur field tripler par rapport à la moyenne des trois dernières semaines. Le Sunday Special fait toujours exception, ne parvenant qu’à doubler.
Le Sunday Warm Up explose en Italie et au Portugal (+433%), pays où le tournoi ne garantit que 7.500€. Le Français fait à peine un peu mieux que son homologue hispanique (+196%) qui franchit la barre des 2000 joueurs, sans re-entry. Côté Sunday Special, ce sont les Portugais qui ont le plus plébiscité la promotion : d’une moyenne de 100 joueurs sur les semaines précédentes, le nombre de joueurs uniques est passé à 544 ! Et là encore, la France a sous-performé par rapport à ses homologues, notamment italiens où plus de 4.000 participants ont joué pour 210.000€ de prizepool (150K€ garantis). A noter que le format re-entry, étendu aux quatre plateformes, montre à quel point Pokerstars croit au dynamisme fr, seule liquidité où il est en illimité. En moyenne, 35% des joueurs français ont re-entry, pour seulement 22% des Espagnols et 19% des Portugais. En Italie, ce chiffre tombe à moins de 15%.
Dernier tournoi comparable, le Sunday Highroller fait là aussi mieux en Italie, où il est légèrement moins cher (250€ pour 300€ en .fr) mais surtout bien plus grassement doté (40K€ pour 10K€ à 15K€ chez nous). Nos voisins étaient 4,5 fois plus nombreux qu’à l’accoutumé contre 3 fois pour les Français.


Hier soir, Pokerstars a engrangé 13.250€de profits sur sa grille ‘Sunday’. C’est aussi l’occasion de relativiser l’attrait de l’Hexagone pour le leader mondial. Nous pointons bon dernier de l’offre dominicale puisque les pokers portugais et espagnol comptaient six MTT ‘Sunday’ à moitié prix, tandis que l’Italie, où les ambitions de l’opérateur au-delà du poker sont les plus fortes, en affichait onze ! Plus du double du .fr …

soxav

jeudi 14 septembre 2017

FISC ME I’M NOT FAMOUS ! : Enquête sur la fiscalité 2017

Après avoir ciblé de nombreux joueurs professionnels en 2012, le fisc français tente une nouvelle offensive. Celle-ci pourrait avoir des répercussions bien plus désastreuses sur l’écosystème et les acteurs en place. Pour les joueurs, l’absence de représentativité fait une nouvelle fois cruellement défaut. Enquête sur une année 2017 riche en rebondissements.

Claude* est un inconditionnel de poker. A force de passion, de travail, et de temps, il est devenu un spécialiste de Cash Game sur le .fr, où il joue sur toutes les plateformes. Ou plutôt « jouait » … Car en début d’année, il a reçu à son domicile un courrier inattendu : l’administration fiscale l’informait d’un contrôle fiscal portant sur plusieurs années. Tout comme plusieurs dizaines de joueurs français, c’est la douche froide. Mais à l’inverse de la vague qui avait eu lieu en 2012, cette fois le gendarme fiscal s’adresse directement à des inconnus du grand public, qui n’ont pas réalisé de performances live, signé des contrats de sponsoring ou même affiché leur réussite sur internet.

De croyances …


Pour ces raisons, il ne fait que peu de doute pour Maître Cédric Seguin, l’avocat qui défend les cas d’une vingtaine d’entre eux, que leurs ennuis font suite à la transmission de leurs dossiers par L’Autorité de Régulation des Jeux en Ligne (ARJEL) tant il est impossible pour le fisc d’accéder seul au niveau d’informations dont il dispose : « Pour moi, il y a une collaboration évidente entre l’administration fiscale et l’ARJEL » soutient-il. Il balaie d’ailleurs rapidement l’argument selon lequel toute demande devrait être nominative. « Il n’y a pas de texte qui oblige l’administration à faire une demande nominative. Ce n’est écrit nulle part, cela a été la croyance qui s’est répandue à une époque où l’ARJEL disait qu’il ne voulait pas communiquer spontanément. […] Je ne suis pas surpris qu’une administration collabore avec une autre administration. » 
Cette prétendue croyance trouvait pourtant ces sources dans le discours même du Président de l’ARJEL, Charles Coppolani, devant la Commission d’enquête sur les Autorités Administratives Indépendantes (AAI) au Sénat en Juin 2015[1]  : « Nous ne pouvons, aux termes de la loi, utiliser ces données que dans un objectif de contrôle des opérateurs ou pour répondre aux réquisitions de l'administration fiscale et de la justice, lesquelles doivent être individuelles. Récemment encore, à la réquisition émanant d'un inspecteur des finances publiques qui souhaitait obtenir une liste de personnes ayant, dans une région, réalisé des gains supérieurs à un certain montant, j'ai opposé, au motif qu'elle n'était pas individuelle, un refus. »

… en certitudes …


Cependant, en 2016, l’ARJEL a pourtant bien fourni, à la demande de l’administration fiscale, la liste des joueurs aujourd’hui en cours de redressement comme Claude. Si l’organisme réfute les assertions de transmission de données personnelles spontanée au fisc, comme le lui interdit la loi[2] , Charles Coppolani explique : « Nous avons eu une grande interrogation [ndlr : de la part du fisc en 2016] à laquelle nous avons mis du temps à répondre d’abord parce que nous avons vérifié que nous y étions obligés ». Cette nouvelle position de l’Autorité de Régulation repose sur l’article L84 B du livre des procédures fiscales[3]  qui lui impose de répondre sans pouvoir opposer le secret professionnel, et sur l’article L81[4] qui stipule que « pour l'établissement de l'assiette et le contrôle de l'impôt, le droit de communication peut porter sur des informations relatives à des personnes non identifiées ». « C’est une obligation qui pèse sur tout le monde », confirme C. Coppolani. Invoquant le secret professionnel, il a en revanche refusé de divulguer le moindre détail sur la requête de l’administration fiscale et les critères qu’elle a établi pour ce faire.

Me Seguin, lui, ne partage pas cet avis. Pour lui, si l’on ne souhaite pas répondre à une demande, on peut toujours trouver le moyen de ne pas le faire. Il rappelle à ce titre que « l’administration fiscale n’a jamais engagé d’actions contre un opérateur ou qui que ce soit qui [n’aurait] pas voulu répondre. » Et à sa connaissance, l’ARJEL ne fait pas exception … 
Chaque partie interprète donc les textes de loi à sa guise. Il n’en reste pas moins que, dans les faits, le fisc peut désormais accéder aux données de jeux de n’importe quel joueur, et donc à ses gains. En 2016[5] , l’ARJEL a été plus sollicitée par la DGFIP[6]  que sur les deux années précédentes cumulées (45 fois contre 31 en 2015 et 11 en 2014). Ce rythme s'est encore accéléré en 2017. Sur le seul premier trimestre, le nombre de requêtes représentait déjà 60% de celles réalisées sur … toute l’année précédente ! 


… en passant par l’exil fiscal …


A nouveau contexte, nouvelle approche. Il n’est désormais plus temps de philosopher sur le bienfondé de l’imposition du joueur de poker, ni prendre le risque de passer entre les mailles du filet. Grinder exilé à l’étranger pendant plusieurs années, Alexandre* ne s’est pas posé la question. Depuis son retour en France, il a décidé de mener toutes les - nombreuses – démarches pour comprendre lui-même les implications concrètes du statut de joueur professionnel. « Je vais quand même me tourner vers un expert-comptable au final », conclut-il. 

D’autres exilés sont dans une situation bien plus embarrassante. Joueurs actifs du .fr, ils n’ont jamais rien déclaré, et même s’ils souhaiteraient aujourd’hui le faire, la crainte de la rétroactivité ne les incite pas à faire les démarches. C’est là que le conseil d’un spécialiste prend tout son sens. Bon nombre de joueurs considèrent le départ à l’étranger comme la solution à la problématique ‘Impôts’, mais exil et exil fiscal sont deux choses bien distinctes. Pour Me Seguin : « Si vous partez à l’étranger, faites-le pour de vrai. » Quitter le pays sans le signaler à l’administration fiscale, tout en gardant une adresse chez des parents ou des proches ne change absolument rien à votre statut fiscal. Il ajoute que dans la mesure du possible, il convient de « s’inscrire ou du moins de se faire connaître de l’administration fiscale du pays dans lequel [le joueur est] installé pour résider. » Et bien sûr, quitter la France en 2017 ne permet pas de se soustraire à ses obligations fiscales pour les années précédentes ... 
Autre point important à ses yeux : la situation bancaire. Il juge indispensable de posséder des comptes dans les pays de résidence uniquement sur lesquels doivent être fait tous les mouvements financiers. Dans le cadre de l’activité poker sur le.fr, un compte français ne doit servir qu’à ‘cashin / cashout’.  
Parmi les dossiers qu’il défend, l’avocat concède qu’outre deux cas où il a pu démontrer le réel exil fiscal, de nombreux autres dossiers sont bien plus épineux à gérer.

… au flou artistique fiscal …

Retour en France. L’imposition des gains au poker est aujourd’hui un sujet qui affole les esprits et les communautés. Interrogations, craintes, demandes d’informations, avis plus ou moins avisés y sont de plus en plus nombreux. Rien ne remplacera le conseil d’un spécialiste, comme le confirme, lui aussi, le joueur ‘Darkstar’, auteur d’une version détaillée du statut de joueur de poker pour se mettre en règle avec l’administration fiscale sur Clubpoker[7].
La notion de régularité, de pratique habituelle, élément clé de la doctrine fiscale, reste difficile à définir. Le Bulletin Officiel des Finances Publiques – Impôts (BOFIP) stipule  que les gains réalisés par les joueurs professionnels sont imposables au titre de la catégorie des bénéfices non commerciaux. Cette position est pleinement applicable à la pratique habituelle du jeu de poker, y compris en ligne, …
A partir de quelle fréquence de jeu, de temps passé, un joueur entre-t-il dans le périmètre du fisc et doit-il déclarer ? Pour Me Seguin, il s’agit d’une conjonction entre temps de jeu et volume, tout en restant subjectif par rapport aux gains ou à une activité salariale principale par exemple. Pour autant, « jouer à League of Legends tous les soirs pendant deux heures, où je ne peux pas gagner d’argent, cela ne fait pas de moi un professionnel. Il se trouve que le poker a cette particularité que vous pouvez gagner de l’argent. », continue-t-il. Il écarte néanmoins la notion d’activité secondaire comme esquive à l’imposition : avoir deux emplois n’est pas une situation réservée aux seuls joueurs de poker. 

… à l’attractivité du marché


Sur la route de l’embellie du produit poker, en difficulté régulière depuis son lancement en 2010, la crainte de la fiscalité pourrait se dresser comme un nouvel obstacle de taille. L’ARJEL qui avait enfin retrouvé du crédit auprès des joueurs suite à la signature de la convention de partage des liquidités avec l’Italie, l’Espagne et le Portugal s’inquiète des répercussions que pourraient avoir cette nouvelle donne sur l’activité des opérateurs. « Il est évident qu’à partir du moment où on commence à faire répandre le bruit que si vous gagnez au poker, le fisc va venir vous chercher, cela ne créé pas une attractivité du secteur » déplore Clément Martin-Saint-Léon, Directeur des Marchés, de la Consommation et de la Prospective à l’ARJEL.
Du côté des opérateurs, le sujet est sensible. Ils n’ont bien sûr aucun intérêt à communiquer sur leurs clients les plus réguliers, et donc les plus rémunérateurs, mais restent soumis au droit de communication de l’administration. Winamax et PMU confirment recevoir régulièrement des demandes, mais ne s’y plier qu’uniquement si elles sont nominatives. Tout comme l’ARJEL, ces opérateurs démentent avec force les rumeurs affirmant le contraire. Interrogé sur des remontées de joueurs l’incriminant, notamment sur Clubpoker, Winamax s’est empressé d’y répondre sans ambiguïté par l’intermédiaire d’Aurélien ‘guignol’ Guiglini.  
Jusqu’à cette année, les seuls joueurs redressés étant des professionnels publiquement connus, les rooms sont toujours restés à l’écart de ce débat sulfureux. Non seulement l’administration fiscale s’attaque désormais à leur clientèle directe mais instille une atmosphère anxiogène auprès de l’ensemble de leur cible, des réguliers aux récréatifs. Le fisc en épée de Damoclès, à tort ou à raison, n’est pas l’argument de vente idéal. 
Le joueur amateur ‘Holdembrain2’, vainqueur d’un Million Event Winamax début 2016 pour plus de 186.000€ le confirmait dans une interview à Pokerlistings  en mars dernier : la room n’avait aucune information à lui communiquer sur la partie fiscale de son gain. Il s’est donc tourné vers les impôts, puis vers un avocat qui a réussi à le sortir du mauvais pas dans lequel l’affaire s’était alors initialement engagée.

L’absence de représentativité des joueurs fait aussi cruellement défaut : lobbying, accompagnement des joueurs dans les démarches, source d’informations de la communauté, rapprochement avec les opérateurs face à une menace commune seraient autant d’actions indispensables pour faire entendre la voix des joueurs.
Dans son intervention sur Clubpoker, A. Guiglini a officialisé l’information des joueurs pour lesquels la room transmettrait des informations suite à une demande nominative de l’administration. Ce geste est à saluer, et surtout à amplifier pour la communauté de joueurs : les autres opérateurs  seront-ils aussi coopératifs ? Du côté de PMU, on se dit favorable à l’idée sous réserve de faisabilité légale. Les équipes de Betclic affirment de leur côté qu’elles n’en ont pas le droit. Comme les autres, Unibet reconnaît des demandes et l’obligation d’y répondre, mais ces requêtes sont confidentielles. Pokerstars n’a pas souhaité commenter, se retranchant derrière un porte-parole « ne partageant pas d’informations sensibles, ne commentant pas les process internes ni ne divulguant de statistiques non officielles. »
Enfin l’ARJEL indique que « la législation applicable à l’Autorité la contraint au secret professionnel ». Elle ne communiquera donc, elle non plus, aucune information aux joueurs.

Un point ne souffre, lui, aucun doute : les procédures engagées en début d’année n'étaient pas les dernières. En début d’été, le fisc a placé un second barrel, de nouveaux joueurs faisant face à un examen fiscal de situation personnelle.
Et ces procédures seront longues : après plus de cinq ans, les joueurs Manuel Bevand et Valentin Messina ont annoncé en mai 2017 avoir obtenu une décision favorable sur la partie ayant trait à l’activité occulte, la cour d’appel ayant notamment reconnu que la jurisprudence et l’administration fiscale n’avaient estimé qu’après coup de l’imposition des gains. Il est bien évident que cet argument ne devrait donc pas être utilisable pour les dernières procédures. Les deux joueurs ont indiqué vouloir maintenant aller jusqu’au Conseil d’Etat et faire annuler l’ensemble de la procédure.
Selon la décision de ce dernier, le poker pourrait-il alors (re)devenir non imposable en tant que jeu de hasard ? One chip, one chair !

D’ici là, le risk reward de ne pas déclarer pour les joueurs réguliers s’est fortement réduit. 

soxav  




[2] IV de l’article 36 de la loi du 12 mai 2010.
[3] créé par LOI n°2010-476 du 12 mai 2010 - art. 40
[4] modifié par LOI n°2014-1655 du 29 décembre 2014 - art. 21 (V). En lien avec Article R*81-3 ( Modifié par DÉCRET n°2015-1091 du 28 août 2015 - art. 1 )
[5] Rapport d’activité 2016-2017, ARJEL, publié le 24/05/2017.
[6] Direction Générale des Finances Publiques.
[7] http://www.clubpoker.net/forum-poker/topic/225914-imposition-du-joueur-de-poker-professionnel/
[8] BOFIP - BNC - Champ d'application - Activités et revenus imposables - Professions sportives - III. Joueurs de bridge et de poker
[9] Pokerlistings, 07 mars 2017 : http://fr.pokerlistings.com/interview-holdembrain2-et-avocat-joueurs-poker-et-fisc-47808